【FR】Le lien avec mes grands-parents par TomokoLancement de la version française du blog de Tomoko  Ci-dessous la version française du blog en japonais de Tomoko publiée dimanche dernier 29.08.2020. Prochaine version française sera publiée dimanche 19.09.2020. En novembre et décembre 2020, '' Japanese/English Weekly Bilingual Literary Works by Nikhil Ray and Tomoko'' va remplacer la version française du Blog.  Blog de deux cousines, Chiyoko et Tomoko  またいとこのブログChapitre 1 : 2020 Année de l'épidémie - Les divagations d'août

 

Le lien avec mes grands-parents

 

par TomokoTraduction par Chantal et Tomoko


Présentation des auteurs du blog

Les auteurs, Chiyoko et Tomoko, sont cousines issues de germains. Elles s'étaient certainement rencontrées avec leurs parents quand elles étaient enfants, mais elles ne s’étaient jamais beaucoup vues par la suite. Il y a environ 5 ans, elles se sont rencontrées presque par hasard dans une petite ville située à la frontière franco-suisse, près de Genève, et entretiennent depuis des relations amicales. Etant géographiquement éloignées l’une de l’autre, l’une étant en France et l’autre au Japon, et ayant de nombreux intérêts communs, elles ont décidé d'échanger leurs blogs et de parler des différences culturelles entre le Japon et la France, en ce qui concerne les sensibilités et les modes de pensée, la société, l'environnement, l'éducation, la santé, l'histoire, la culture et la musique etc., à travers des événements quotidiens. Le blog a été rendu accessible au public au début du mois de juillet 2020, seulement en japonais.

 Depuis septembre 2020, Tomoko présente sa part du blog en version française un dimanche sur deux.


Profil de Chiyoko

Elle vit dans la région de Shonan Enoshima, haut lieu historique japonais depuis une vingtaine d'années. Elle est née dans les années du baby-boom et c’est une amoureuse des chats. Elle a grandi au Japon, sa première langue est le dialecte de Nagoya, et, quand elle avait une trentaine d’années, elle a suivi un cours par correspondance pour devenir bibliothécaire diplômée et a appris à écrire. C’est grâce à la photo de sa grand-mère prise quand elle avait 100 ans, et qui se trouve chez Tomoko, qu’elles sont entrées en relation.

Profil de Tomoko  

Après avoir étudié à Londres lorsqu’elle avait une vingtaine d’années, elle a poursuivi ses études dans le domaine de sciences humaines, à New York, Bangkok, Paris et Genève. Elle vit avec sa famille près de la frontière franco-suisse depuis 35 ans. Elle a été professeur de japonais dans le cadre du programme du baccalauréat international en Suisse. Elle est écologiste et collectionneuse de kimonos. L’idée lui est venue de lancer son blog lorsque les questions d'environnement et d’ échelle des valeurs lui sont apparues comme étant prioritaires pour l'humanité après la crise de l'épidémie.


Mon grand-père est allé aux États-Unis en 1919 


J'ai une carte postale sous la main. Elle a été écrite par mon grand-père maternel en 1920, alors qu'il était à New York, à l'intention de son fils de trois ans. Les tours jumelles du World Trade Center, détruites lors des attaques terroristes de 2001, n'existaient pas encore bien sûr. Au premier plan, se trouve un petit navire en position fixe, comme s'il est enchanté par les gratte-ciel. Au verso, mon grand-père a écrit en kana, Il y a beaucoup de bateaux et de maisons. Quand tu seras grand, mon petit garçon, tu devras venir ici, toi aussi. A Tsuyoshi...




Entre 1919 et 1920, mon grand-père a voyagé à travers les États-Unis. Ses voyages et ses rencontres avec les gens en tant qu'ingénieur en électronique sont décrits en détail dans son journal. C’est une sorte de chronique, parfois rédigée en anglais, accompagnée de dessins. Elle tient dans un petit cahier, petit mais contenant beaucoup d'information.

■Mon oncle mort à la guerre 

Cette carte postale raconte beaucoup de chose. Le temps et l'espace dans lesquels mon grand-père a vécu se superposent au temps et à l'espace dans lesquels je vis au moment où j'écris. Le fils de mon grand-père, qui a essayé de transmettre l'excitation qu'il a éprouvée lors de son premier aperçu de voyage en Occident, n'est, quant à lui, jamais allé en Amérique mais dans un autre pays. Il est allé aux Philippines, non pas par choix, et il est mort au fin fond des montagnes des Philippines. On ne sait pas exactement comment ni où mon oncle est mort, juste avant la fin de la guerre en 1945, pense-t-on. Mes grands-parents n'auraient pas pu prévoir la fin tragique de leur fils, alors qu’il était encore bébé. 

■Ma grand-mère, une femme moderne 

Pour ma grand-mère, la perte de son fils aîné et de sa troisième fille, morts de maladie quand ils étaient jeunes, et la mort de son dernier fils à la guerre, ont dû être des expériences dévastatrices. Le chagrin continu de la perte de ses enfants a fait d'elle une personne très maladive. Pour sa santé, mon grand-père a acheté une maison à Beppu et a engagé une aide à domicile pour vivre avec elle.

La salle de bain de la maison de Beppu était toute vitrée et de l'eau de source chaude sortait continûment d'un gros robinet, si bien que lorsque nous entrions dans cette maison de style japonais, nous pouvions sentir le soufre dans l'air. Ma grand-mère a vécu dans cette maison longtemps après son veuvage. Lorsque j’y séjournais pendant les vacances d'été, je pouvais voir le jardin à travers les larges portes coulissantes vitrées, depuis le grand couloir dont le sol était revêtu de parquets noirs et brillants. Dans cette maison traditionnelle en bois, nous étions accueillis par ma grand-mère, une femme mince et de petite taille, qui se tenait très droite. J'entends encore le «frou frou» de son kimono.

Ma grand-mère avait un caractère affirmé. Je pense qu'elle a eu très tôt conscience d’être une femme autonome. Elle aurait voulu se spécialiser en chant classique occidentale mais ses parents ne l’ont pas laissée faire. Elle était la quatrième fille d'une famille de guerriers, la grand-mère de Chiyoko était l’aînée. J'ai entendu dire que son frère n'était pas grondé même s'il dormait tard le matin, tandis qu' on la forçait à se lever en lui balayant le visage avec un balai. C'était une personne vive et intelligente, avec un grand sens de l'humour. À son époque, il aurait été difficile pour une femme de laisser se distinguer au travail ou dans son domaine de compétence, mais je pense qu'elle a fait une forte impression sur toutes les personnes qu'elle a rencontrées. Devant ma grand-mère, par exemple, j'étais souvent plus nerveuse que détendue.

Mes grands-parents vivaient à Niihama, dans la préfecture d'Ehime, mais comme leurs filles fréquentaient une école de filles à Tokyo et, les membres de la famille était souvent séparée. La maison où mon oncle dont je viens de parler, ma mère et ses soeurs habitaient était en face de la maison de la grand-mère de Chiyoko. Je pense que toute la famille de ma mère était très redevable à la grand-mère de Chiyoko. De plus, les cousines allaient à l'école de filles ensemble. Les deux maisons ont été brûlées/incendiées pendant la guerre. 

Je pense que la grand-mère de Chiyoko et la mienne avaient au total 6 frères et sœurs. A ma connaissance, les membres de cette famille ont marqué le monde dans les domaines des mathématiques, du français, du portugais, de l'histoire, des études religieuses, des affaires et de la banque. Dans la famille de ma grand-mère, seules les femmes, c'est à dire mes tantes et ma mère, ont survécu; plusieurs membres de la famille se sont spécialisés dans le piano. Il est à noter que beaucoup d'entre nous vivent en permanence à l'étranger, en Autriche, aux États-Unis, en Indonésie, en Allemagne, en Australie, au Canada, en France etc.

Après avoir perdu son fils à la guerre, ma grand-mère est devenue chrétienne; elle faisait partie du mouvement chrétien non-rattaché à une église, sous l'influence de Motoko Hani et a vécu toute sa vie centrée sur la foi. Alors qu'elle vivait à Beppu, elle a commencé à organiser des réunions chrétiennes le dimanche chez elle et a continué à le faire tout au long de sa vie, ce qui a été son plus grand mérite. Il va sans dire que son mari, qui était, me semble-t-il, un shintoïste strict, a dû être influencé par la force dégagée par sa femme, malgré son apparence frêle. Lorsque ma grand-mère l'a incité à s'intéresser au christianisme, il a répondu: "Attends et on verra plus tard. Mon grand-père a dû être bouleversé par la puissance des femmes à certains égards. Il a également laissé chacune de ses filles choisir les études qu’elles voulaient faire.


                                                                                          Mes grands-parents

■Le séjour américain et Madame Rush.

Quelques années après son retour au Japon, en 1924, mon grand-père a invité une Américaine du nom de Mme Rush à vivre avec sa famille en tant que tutrice d'anglais. Ainsi elle a vécu dans une chambre de la maison de la société de mon grand-père dans la préfecture d'Ehime. Mme Rush a contribué à l'enseignement de l'anglais aux enfants de la société de mon grand-père, mais elle a ensuite déménagé à Tokyo et a enseigné à l'école. Elle est restée au Japon pendant la guerre du Pacifique et a été internée dans un camp ennemi dans la préfecture de Shiga. Elle est tombé malade en août 1945, juste au moment où la guerre se terminait. Cette dame admirable qui a beaucoup aimé le Japon est décédée en opinant de la tête en entendant ces mots : "Paix, nous avons de nouveau la paix"...


      Mes grands-parents et leur famille avec Madame Rush

■Intérêt de ma famille pour l'Occident

Je crois que le voyage de mon grand-père en Amérique pour découvrir la culture occidentale a eu une grande influence sur mes proches et a conduit à un goût commun pour l'Occident dans la famille. Mon grand-père, qui frappait dans ses mains en priant chaque matin comme le veut la religion shintoïste, a amené une Américaine chez lui, ce qui a été un grand changement pour lui.

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■Centrale hydraulique de Hadeba

L'autre jour, j'ai été enthousiasmée par un article dans l'édition numérique d'un journal sur la centrale hydraulique de Hadeba à Niihama City, dans la préfecture d'Ehime.




A l'époque de mon grand-père, le déménagement de l'aciérie de la Besshi Copper Mine sur l'île de Shisaka était envisagé en raisons des risques de pollution. Mon grand-père est resté aux États-Unis pendant sept mois (1919-1920) pour faire des recherches sur la possibilité d' envoyer de grandes quantités d'électricité sur cette 'île. Son projet, avec le plan de construction de la centrale de Hadeba et l'installation d’un long câble sous-marin, ont peut-être été les premières contributions au progrès de l'énergie électrique. Grâce à la pression de l’eau recueillie en haut de la montagne puis se déversant tout au long de la pente, une énorme quantité d'électricité a été produite. Avec ses 20 kilomètres, le câble sous-marin était le plus long du monde à l'époque. Il est intéressant de savoir que ce type de source d'énergie naturelle a enrichi la région en ce temps là, tandis que nous sommes exposés aux dangers de l'énergie nucléaire.


La centrale électrique de Hadeba est un beau bâtiment en briques rouges, percé de vitraux, équipé notamment d’un générateur fabriqué à l'époque par la société allemande Siemens. À l'heure où les questions de protection de l’environnement sont à l’ordre du jour, j'ai le sentiment qu’à l’époque on recherchait plus sérieusement une énergie propre pour répondre aux besoins.

■À l'occasion du 75e anniversaire de la fin de la guerre

Mon grand-père, né dans la famille de l’un des membres du clan Takanabe, a pris sa retraite et est retourné dans sa ville natale, conformément à l'ordre de démantèlement des zaibatsu au Japon après la guerre. Les gens à cette époque, ont été désorientés par la modernisation soudaine du pays mais personne ne veut parler de cette époque. Pour mon grand-père, qui avait l'obligation de participer activement à l'effort de guerre, étant à la tête d'une grande entreprise, la douleur occasionnée par la mort de son fils à la guerre était plus forte que celle de la perte de son statut social. Les gens à l'époque ont subi un lavage de cerveau pour les amener à croire qu'ils devaient tous faire bloc pour servir leur pays, jusqu'à ce que la guerre soit gagnée, ce qui est une chose terrible.

■Visites de la maison de mon grand-père depuis la France

Inspirée par le fait que la maison de la grand-mère de Chiyoko à Karuizawa a été enregistrée comme bien culturel matériel national, j'ai réussi à obtenir l'enregistrement de la maison de mon grand-père à Takanabe, dans la préfecture de Miyazaki, également comme bien culturel matériel national. La maison est une simple résidence de samouraïs construite à la fin de la période Edo, et je m’y rends chaque année, depuis la France, pour l'entretenir et l'animer. Grâce à la maison de mon grand-père, un autre monde s'est ouvert à moi. Le lien entre mon grand-père et moi est universel, un lien qui s'étend non seulement à nous deux, mais aussi à notre patrie. Mon grand-père, qui a perdu son héritier, a vécu dans cette maison et a fait de nombreux vœux. J'y séjourne également et y fais de nombreux souhaits. Je crois que nous travaillons tous les deux ensemble. C'est ainsi que l'histoire se fait, n'est-ce pas?


Version française par Chantal et Tomoko

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